vendredi 1 octobre 2010

Mais depuis quand Radio-Canada a-t-elle perdu son objectivité pour adopter un discours subversif de droite?

Je débute ce billet par quatre citations tirées de deux articles d'actualité du site de Radio-Canada sur la crise politique en Équateur:
"Le président socialiste de l'Équateur, Rafael Correa, a assuré jeudi soir qu'il gouvernait encore son pays malgré ce qu'il a qualifié de tentative de coup d'État plus tôt au cours de la journée..." (1)
...
 "Le président Correa, reconnu comme un proche du président vénézuélien Hugo Chavez, rencontrait des policiers rebelles qui protestaient..." (2)
...
"Le chef de l'État a été confronté jeudi à un mouvement de révolte de policiers qu'il a assimilé à une tentative de coup d'État." (3)
...
"Le président socialiste de 47 ans est considéré comme proche du président vénézuélien Hugo Chavez." (4)
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Les deux premières citations sont tirées respectivement du premier et troisième paragraphe d'un même article. La troisième et la quatrième citations sont tirées d'un article subséquent, publié le lendemain.
Les articles sont, hum, anonymement signés "Radio-Canada" et une multitudes d'agences de presse.
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Première réaction: Depuis quand notre réseau d'information national - financé par le gouvernement fédéral du Canada - utilise-t-il des phrases aussi subversives que celle-là? On sous-entendant à deux reprises dans les 3 premiers paragraphes d'un article d'actualités que c'est une mauvaise chose que d'avoir des politiques socialistes et de s'associer à Chavez? Et on répète ce procédé douteux quelques heures plus tard? Cet article n'est pas une analyse politique, c'est une information d'actualité! Pourquoi ce commentaire éditorial? Et je cherche toujours le rapport de Chavez avec la tentative de coup d'état en Équateur?!?!?
Je trouve que ça manque totalement d'éthique et d'objectivité. Et je me demande - sérieusement - depuis quand c'est la politique de Radio-Canada. Après tout, est-ce qu'on prend la peine de mentionner que des présidents comme untel un untel sont de droite dès que l'on a à écrire leur nom? Pourquoi le fait-on systématiquement avec les présidents de gauche... collant les noms de Chavez ou Castro, comme des synonymes de méchant ou d'ennemi public, à tous les gouvernements qui n'ont pas l'orientation politique des USA ou du Canada actuel? À Radio-Canada?? En sommes-nous vraiment rendu là au Canada, et, à la SRC en français, au Québec? Vraiment? C'est inquiétant.
Seconde observation: On est décidément timide à appeler un chat un chat. Par deux fois on laisse croire qu'il n'y a pas eu de coup d'état et que c'est une interprétation du président Correa... "qu'il a qualifié de tentative de coup d'État" ... puis... "qu'il a assimilé à une tentative de coup d'État..."
Rappel de quelques faits:
- Le congrès ait été investi par la police rebelle.
- On a attaqué, blessé puis séquestré le président.
- Des échanges de coups de feu ont eu lieu entre policiers rebelles, policiers en fonction et forces armées.
- L'aéroport de Quito a été occupé.
- Il y a eu deux morts.
Question: ça prendrait quelle genre d'action pour convaincre les journalistes de la SRC et des agences de presse d'appeler ça une tentative de coup d'état?
(Notez que la même attitude malhonnête des médias face à un coup d'état avait été utilisée lors du coup d'état au Honduras l'an dernier. Cette négation de la réalité est également inquiétante, car il est toujours plus facile de supporter ou reconnaître un changement de régime qui n'est pas apprécié des grandes puissances si on n'assume pas directement le coup d'état. C'est exactement ce qui est arrivé au Honduras).
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Suis-je le seul à trouver ça inquiétant de voir nos médias ainsi biaisés? C'est insidieux, inquiétant, révoltant même! N'avons-nous plus droit à une information objective et juste?
Sous le prétexte d'informer - et sous la bannière sacro-sainte de la SRC! -, on a l'impression en lisant le tout que le président Correa est en fait un méchant socialiste, et qu'il a imaginé un coup d'état et qu'au fond, c'est normal pour un proche de types comme Chavez... Un procédé éditorialiste couard et malhonnête de tentative de manipulation du lecteur - et une insulte à son intelligence.
Et pendant que la SRC publiait ces deux articles douteux, une manifestation se déroulait à la Plaza Grande de Quito, où des milliers de citoyens étaient regroupés pour montrer leur appui à leur président démocratiquement élu à deux reprises.
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Notes:
(1) "Équateur - Rafael Correa dit gouverner encore - Mise à jour le jeudi 30 septembre 2010 à 23 h 37"
(2) id.
(3) "Équateur - Le continent se range derrière Correa - Mise à jour le vendredi 1 octobre 2010 à 7 h 23"
(4) id.
Les quatre articles tirés du site www.radio-canada.ca

7 commentaires:

  1. Daniel Sernine8:36 PM

    Tu devrais porter plainte, formellement, à l'ombudsman de Radio-Can, Julie Miville-Dechêne.
    Voici sa page, la procédure y est décrite: www.radio-canada.ca/apropos/ombudsman/
    J'ai déjà lu de ses rapports sur une autre question, et elle semblait avoir fait du travail sérieux, n'hésitant pas à critiquer des réalisateurs de Radio-Can...

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  2. Daniel,
    J'ai fait ce que tu as suggéré.
    Personnellement, je suis un peu désabusé de voir nos médias agir ainsi, et je ne fais pas d'illusion sur ce qui sera effectivement fait pour changer ce genre de choses, surtout s'il y a réellement un certain pouvoir derrière cette orientation au lieu de simple incompétence journalistique.
    Je publierai tout suivi de ce dossier, si suivi il y a.
    Hugues

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  3. Reçu ce matin:
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    Monsieur,

    J'ai bien lu votre plainte. Je la transmets au directeur de l'Information web,
    Pierre Champoux, afin qu'il puisse en prendre connaissance et vous répondre.

    Si vous n'êtes pas satisfait de la réponse de la direction de Radio-Canada, vous pouvez me demander de réviser votre plainte. Le bureau de l'ombudsman est une instance d'appel indépendante.

    Salutations

    Julie Miville-Dechêne
    Ombudsman, Services français, Société Radio-Canada
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    à suivre

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  4. Reçu ce midi:
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    Merci de nous avoir fait parvenir votre commentaire. Vous le qualifiez vous-mêmes de billet d'humeur. C'est donc un article d'opinion que nous l'avons lu avec l'intérêt que nous portons à tous les commentaires de nos internautes.

    Pour notre part, nous offrons un site d'information en continu qui ne laisse aucune place à l'opinion, nous nous efforçons donc de relater les faits le plus objectivement possible.

    Vous avez cru déceler un ton et un biais dans nos articles concernant le président de l'Équateur, Rafael Correa et vous posez la question : « Mais depuis quand Radio-Canada a-t-elle perdu son objectivité pour adopter un discours subversif de droite? »

    Vous estimez que nos articles sont biaisés « par leur attitude et non par la présence explicite d'un commentaire éditorial ».

    J'avoue que je ne vois pas ce que vous voulez dire par « attitude » à propos d'un article et si vous n'y avait pas trouvé de commentaire éditorial, je vois encore moins où est le problème.

    Les passages que vous citez sont d'ailleurs représentatifs de notre travail en ce sens qu'il ne laisse pas de place au commentaire éditorial. Nous reprenons les faits au mieux de notre connaissance. Ces passages montrent bien que nous ne reprenons pas à notre compte les affirmations, opinions et commentaires des uns et des autres, nous les citons et c'est au lecteur de se faire une opinion.

    Nous situons politiquement le président Rafael Correa pour une meilleure compréhension du contexte et nous n'hésitons pas à le faire lorsqu'il s'agit d'un homme politique de droite.

    Cela dit, en quoi, serait-ce subversif d'écrire que M. Correa est socialiste et proche de son homologue vénézuélien.

    Lorsque nous avons écrit en titre « Le continent se range derrière Correa » à propos des ministres des Affaires étrangères de l'UNASUR qui apportaient leur soutien au président Rafael Correa, était-ce un commentaire pro-Correa ou était-ce subversif? Nous croyons que dans les deux cas, ce sont les faits.

    M. Correa qualifie les événements de tentative de coup d'État. Nous le citons. C'est tout. Pourquoi serait-ce subversif ou insidieux? Nous comprenons, votre billet étant un article d'opinion, que vous considérez et affirmez qu'il s'agissait d'un coup d'État. De notre côté, n'étant pas sur place et n'ayant aucun parti pris, nous choisissons de rapporter les opinions des deux parties afin que les internautes se fassent leur propre opinion.
    C'est ainsi que nous citons le président Correa mais nous expliquons aussi que les policiers rebelles protestaient contre une loi supprimant le versement de certaines de leurs primes à l'ancienneté et nous ajoutons que la télévision locale a diffusé des images d'une vaste foule qui acclamait le président, etc.

    En estimant que nos phrases sont subversives et en affirmant que nous sous-entendons « que c'est une mauvaise chose que d'avoir des politiques socialistes et de s'associer à Chavez », vous nous faites là un procès d'intention que nous récusons. Et nous ne voyons pas du tout en quoi nous avons fait preuve d'un manque total d'éthique et d'objectivité.
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    suite ci-bas...

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  5. suite de la réponse ci-haut...
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    D'autre part, nos articles ne sont pas anonymes et l'absence de signature s'explique. Nous sommes un site d'information en continu et une même nouvelle peut être rédigée à 4h 30 du matin par un de nos journalistes, revue par son chef de pupitre, puis actualisée tout au long de la journée par d'autres journalistes et révisée par un autre chef de pupitre et ce, jusqu'à minuit. Il serait donc fastidieux, peu utile et peut-être même incompréhensible pour nos lecteurs de trouver en bas d'un article cinq ou 6 noms de journalistes.

    Quant aux agences de presse, nous les citons par souci de transparence en ce qui concerne nos sources, étant donné que (comme pour l'Équateur par exemple) nous ne sommes pas sur place.

    Nous espérons avoir réussi à vous convaincre de notre bonne foi. Si tel n'est pas le cas, vous pouvez en faire part à nouveau à l'ombudsman des Services français de Radio-Canada, Mme Julie Miville-Dechêne, qui décidera de la marche à suivre. Elle relève directement du président-directeur général et possède le pouvoir de faire des enquêtes au nom des téléspectateurs.

    Soleïman Mellali
    Rédacteur en chef Information
    Internet et services numériques de Radio-Canada
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  6. Daniel Sernine8:06 PM

    En 1972, selon le président Allende (juste avant qu'il reçoive les balles fatales), il y avait un coup d'état en cours au Chili...

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  7. J'invite les lecteurs à consulter la suite, dans un billet subséquent:
    http://espritvagabond.blogspot.com/2010/10/information-sur-radio-canada-suivi.html

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