Hier soir, j'étais dans la salle du Théâtre Duceppe de la Place des Arts. J'étais là, pour la présentation de la pièce LÀ.
Là est une création québécoise, une comédie dramatique de l'auteur Serge Boucher, mise en scène par René-Richard Cyr.
Si la pièce met en scène 15 comédiens qui jouent une vingtaine de personnages au total, le personnage central de l'histoire demeure un endroit; Là.
Cet endroit est un petit restaurant familial dans une ville de région; Thetford Mines. Au moment de l'entrée en scène, la propriétaire de ce restaurant, Sylvie, s'aprête à vendre l'édifice, qui deviendra une pharmacie Jean Coutu. François, l'un des clients ce jour-là, se trouve à avoir passé son enfance dans cet établissement, puisque 25 ans plus tôt, c'étaient ses parents qui en étaient propriétaires. La pièce nous offre donc un voyage dans le temps alors que les 4 premiers actes valsent entre 1998 et 1971, nous faisant découvrir le quotidien de divers personnages à travers les activités du restaurant. Plusieurs histoires se croisent donc tout au long de la représentation, qui s'achève sur un 5e acte en 2005, dans l'édifice devenu une pharmacie.
Parmi les nombreux destins suivis, il y a quelques lignes principales; celle des parents de François, aux prises avec l'alcoolisme du père et la difficulté d'opérer un restaurant familial ouvert 24h; celle de Sylvie, amie d'enfance de François (elle avait toujours rêvé d'avoir ce restaurant), qui célèbre son 20e anniversaire de mariage et qui vient de vendre à Jean Coutu; celle de Timononque, un régulier du restaurant, proche des parents de François dès 1971, et qui est demeuré parmi les habitués de l'établissement jusqu'à sa démolition; et bien sûr, le destin de François, devenu dramaturge et dont les quelques visites sur les lieux de son enfance lui inspirent une pièce...
(On sent évidemment une bonne part d'auto-biographie dans LÀ, puis que l'auteur - originaire de Victoriaville -, en plus de mettre en scène un dramaturge inspiré par son enfance, n'hésite pas à avouer dans un billet publié dans le programme, que le restaurant en question est bien le restaurant de son enfance.)
Le texte de cette pièce est réellement intéressant. Derrière des apparences de simplicité (aucun héros, aucun personnage plus grand que nature, rien que du bon vieux réalisme), les personnages sont tous très bien développés et leur destin est fort intéressant à suivre. Pour ma part, je n'ai vu aucune longueur ou moment plus faible dans cette pièce de 2h sans entr'acte et j'ai apprécié chaque réplique. Il faut aussi préciser que comme il y a beaucoup de personnages, la plupart des scènes font intervenir plusieurs d'entre eux en même temps; il n'est pas rare d'assister à deux ou trois conversation simultanément, ce qui n'est pas facile à réusir au théâtre. (En plus, j'adore ce genre de scène, qui donne un très fort effet de réel - voir certains films de Woody Allen, par exemple, ou n'importe quel souper avec ma famille :)
Côté mise en scène, la pièce ne serait pas aussi bonne sans l'exceptionnel travail et l'inventivité de René-Richard Cyr. Certains effets et choix sont tout simplement du bonbon pour l'amateur de théâtre que je suis. Je pense par exemple à l'entrée en scène des comédiens, à cette scène où les deux époques se mélangent ou encore à l'habileté avec laquelle apparaissent les personnages de 1971 dans les rangées du Jean Coutu de 2005). Avec autant de personnages et de texte, le tout aurait pu devenir un véritable fouilli impossible à suivre, mais non, la mise en scène permet une fluidité entre les scènes et les actes, entre les époques et entre la comédie et le drame.
Enfin, l'interprétation est absolument éblouissante. Rien de moins. Ce qui frappe le plus, a posteriori, c'est qu'aucun des 15 comédiens n'est moins bon que les autres, aucun personnage ne vous semble faible (merci à l'excellence du texte également) et que chaque scène devient alors intéressante parce que les comédiens arrivent à vous faire oublier leur présence au profit de leur personnage; vous n'êtes plus au théâtre, vous êtes dans le restaurant, témoin des activités de la journée. Chaque comédien est parfaitement convaincant. On fera grand cas de Benoît Brière qui compose un personnage drôle et attachant, triste et touchant à la fois, et que l'on retrouve à la fois en 1971 et 1998, mais François Papineau et Guylaine Tremblay sont renversant dans leurs rôles respectifs (les parents de François et premiers propriétaires du restaurant), nous offrant des scènes d'une intensité remarquable.
Un dernier mot concernant l'identification aux événements et personnages; la pièce valse entre 1971 et 1998 pour se terminer en 2005, alors on passe par plusieurs époques, que l'on aura vécu directement ou via des membres de notre famille; parents, grand-parents, enfants... Ce faisant, chacun des personnages nous parle, nous rappelle quelqu'un. Même chose pour les événements en ce qui me concerne, puisque la pièce se déroule en région, où, par exemple, en 1998, on rêve depuis des années qu'un Jean Coutu s'installe dans la place. La pièce aurait tout aussi bien pu se passer à Roberval, au Lac St-Jean! Je n'ai par contre aucune idée de l'impact de cette donnée sur un public natif de Montréal, qui réagira différemment aux éléments relatifs à cette saveur très régionale du texte.
Enfin, vous aurez saisi que je vous recommande sans aucune réserve cette pièce, si jamais vous avez l'occasion d'y aller - en ce moment-même chez Duceppe, et jusqu'au 7 avril 2007. Un très bon moment de théâtre.
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