Il est 2h30 du matin, et à part la lueur émise par quelques lampes frontales autour de moi, aucune lumière n’est visible dans un rayon de plusieurs kilomètres. Je suis dans une province de l’Equateur au sud-ouest de Quito. Je suis debout, je reprends un peu mon souffle en admirant les lumières de Quito très loin au nord nord-est de ma position.
Puis je lève les yeux. Je ne peux m’empêcher de m’exclamer : « Mon Dieu, c’est rempli d’étoiles! » Evidemment, comme le ciel est sans nuages, oui, il est rempli d’étoiles. Pourtant, jamais de ma vie je n’ai vu un spectacle pareil. J’ai l’impression de voir des millions d’étoiles à l’œil nu. Il y a la voie lactée très visible, des nébuleuses, des nuages d’étoiles, c’est incroyablement beau. J’en oublie ou je suis et ce que je fais et que j’ai une décision a prendre.
Je tourne la tête et admire le ciel autour de moi, toutes ces étoiles que je n’ai jamais vues… Le nombre d’étoiles est tellement déroutant que je prends deux bonnes minutes avant même d’être capable de retrouver une seule constellation que je connaisse. C’est Orion.
L’Equatorien qui est a mes cotes suit mon regard et dit : « Orion ».
« Si », que je réponds, un grand sourire aux lèvres. Orion est une vue incroyable avec les centaines d’étoiles qui remplissent ses deux triangles et sa nébuleuse.
Je sais a ce moment la que peu importe ma décision, jamais je n’oublierai ce ciel étoile, un des plus beau spectacle que j’ai pu voir de ma vie.
Douze heures auparavant, j’étais assis sur le siège arrière d’une jeep qui roulait sur une route de terre vers le sud de Quito et l’entrée du parc national Cotopaxi.
Le Cotopaxi est un volcan qui donne son nom au parc, et est le volcan actif le plus haut du monde. Au bord de son cratère eternellement enneige, vous vous trouvez a 5897 mètres au-dessus du niveau de la mer. Si vous etes la, alors il n’y a rien au nord de votre position plus haut que vous, et ce sur tout le continent américain jusqu’au pole nord. Et si vous etes sur le Cotopaxi, vous vous tenez sur le point le plus éloigne du centre de la planète. Voila ce qu’est le Cotopaxi.
Et je pense à tout ça alors que la jeep fait son entrée dans le parc. Le sommet du volcan est cache par les nuages, une chose naturelle, quotidienne. Le sommet est très rarement visible en après-midi, et même en milieu d’avant-midi, les nuages ont vite fait d’entourer son cratère.
Nous montons vers un stationnement, duquel nous allons nous préparer pour notre expédition. Nous, c’est 5 randonneurs et 3 guides. Tenter l’ascension du Cotopaxi, c’est loin d’une marche à la campagne un dimanche après-midi. Le Cotopaxi est haut, mais aussi recouvert en grande partie de neige et de glace. Il faut donc de bons guides, et de l’équipement spécialise; des crampons, pics, cordes, etc.
Comme il ne me reste plus que quelques jours a passer en Equateur, je me suis laisse tenter par l’aventure. Je sais que je tiens une bonne forme physique, mais aussi que le défi est de taille. Je sais aussi que je n’ai plus vingt ans… et que moins de 50% des randonneurs qui tentent le coup parviennent au sommet. Le mal d’altitude est un grand facteur qui empêche les randonneurs, la fatigue de grimper si haut avec si peu d’oxygène disponible, les difficultés techniques dues a la neige et la glace, et évidemment, les conditions météorologiques. A cette altitude, une simple bordée de neige est dix fois plus dangereuse que la pire des tempêtes de neige a basse altitude.
Notre groupe est constitue d’un américain, une suisse, un allemand, un israélien, et moi. Trois guides nous accompagnent, car au Cotopaxi, il est considère trop dangereux d’avoir plus de deux randonneurs par guides. Je suis l’aine du groupe, avec un des guides, qui est propriétaire de la petite agence qui organise les expéditions, de Quito. L’américain est dans la trentaine, et a fait l’Ilinas Notre deux jours avant (5000 m) et plusieurs autres montagnes, dont le Kilimandjaro, la plus haute montagne d’Afrique, qui est 3 mètres moins élevée que le Cotopaxi. La Suisse à 20 ans et de l’expérience en escalade plus qu’en randonnée. L’allemand a 24 ans, et passe deux semaines en Equateur. Comme le Cotopaxi est célèbre, il va tenter son ascension. L’israélien a 23 ans, doit peser 225 livres de muscles et ne cache pas son arrogance devant ce qui nous attend, estimant que ça sera facile pour lui.
Notre guide en chef, donc, part en expédition au Cotopaxi entre 125 et 150 fois par an. Il le grimpe donc jusqu’au sommet au moins 100 fois par an; le reste du temps, il doit redescendre avec des randonneurs qui n’atteindront pas le cratère.
Dans le stationnement, a environ 4500 m d’altitude, nous changeons de bottes, pour ne porter que des bottes sur lesquelles on pourra fixer nos crampons, on ramasse nos backpacks, pics, et on entreprend la partie facile de notre périple; l’atteinte du refuge qui est a 4800 m d’altitude.
Une parenthèse sur le mal d’altitude. Il frappe beaucoup de monde, à des niveaux différents, avec des symptômes varies, et a des altitudes qui varient également. Les personnes qui en souffrent peuvent s’acclimater (mais parfois non) et dans ces cas, ne ressentiront plus les symptômes lorsqu’ils se retrouveront a une altitude ou ils se sont acclimates. Les symptômes peuvent inclure étourdissement, léthargie musculaire ou générale, somnolence, manque d’appétit, vomissement, etc. Des symptômes plus graves peuvent se pointer si vous ne faites pas attention aux premières manifestations; oedème pulmonaire, oedème cérébral, coma… et décès.
Je connais bien les premiers symptômes, j’ai souffert du mal d’altitude en 2004 a mon arrive a Quito (2850 m); pendant trois jours, je me suis senti léthargique et un peu étourdi et je dormais 15h par jours. Je me suis ensuite acclimate. Lorsque je suis allé à 3500 m, toujours en 2004, je n’ai rien ressenti de spécial. Cette année, j’ai eu des étourdissements à ma première tentative à 4100 m. Une dizaine de jours plus tard, je grimpais a 4600 m sans symptômes. Je termine cette parenthèses en mentionnant que quelques jours après mon arrive a 2850 m l’an dernier a Quito, mon amie Suzie atterrissait a La Paz, Bolivie, a 3800 m sans aucun symptôme alors qu’une de ses copines de projet souffrait pratiquement de tous les symptômes du mal d’altitude.
Le refuge est visible devant nous, et à l’œil, dans une randonnée normale, on l’estimerait à une quinzaine de minutes de marche. Nous débutons donc notre randonnée sur le Cotopaxi. L’israélien note que la montagne a l’air de quelque chose qu’il peut grimper en 3h, facile. Je ne relève pas l’arrogance, je me dis qu’il apprendra bien assez tôt, ou bien qu’il le fera et battra un record!
Une demi-heure plus tard, le refuge est encore à environ quinze minutes devant nous ! Nous avançons lentement, très lentement. A très petit pas également.
Enfin, après presque une heure depuis le stationnement, nous gagnons le refuge, 4800 m d’altitude. Je note mentalement que c’est le point le plus haut ou je me suis jamais trouve. Mon système me le fait remarquer aussi. Il y a moins d’oxygène, certes, mais je ne peux pas vraiment sentir une différence avec mon expédition a 4600 m. Mon cœur va bien, mes poumons aussi, ainsi que mes jambes. Mais ma tête ne va pas très bien. Apres l’effort, je me sens étourdi et je sais très bien ce qu’est cet étourdissement : le mal d’altitude.
Nous installons nos choses près des lits de camps qui remplissent l’étage du refuge, je me dis que j’ai quelques heures pour m’acclimater avant la majeure partie de notre ascension.
L’israélien nous demande : « Vous le sentez? », chacun répond en hochant la tête, je remarque avec un sourire : « Content de voir que je ne suis pas le seul ». Nous sommes tous dans le même bateau, chacun devra s’adapter à l’altitude. J’ai une petite inquiétude : l’an dernier a 2850 m, ça m’a pris trois jours. La, j’ai quelques heures seulement.
Nous prenons un repas complet et typiquement équatorien aux environs de 16h30. Nos guides nous informent du développement détaille de l’expédition en nous rappelant les règles du jeu. Réveil a minuit, suivi d’un déjeuner léger. Départ en équipements a 1h du matin. Apres 4 où 5 heures d’ascension, nous devrions atteindre le sommet a temps pour le lever du soleil. Les conditions météo sont favorables. Peu de nuages prévus pendant la nuit, mais de forts vents. Chacun ira a son rythme, par groupes de 1 a 3, avec un guide accompagnant chaque groupe. Si le guide décide pour quelque raison que se soit, que nous devons redescendre : pas de discussion, nous revenons sur nos pas vers le refuge.
Nous allons donc nous coucher vers 18h, avec 6h de sommeil devant nous. Evidemment, nous avons peu sommeil à cette heure, mais paradoxalement, le mal d’altitude vous empêche aussi de profiter d’un sommeil profond, malgré la fatigue qu’il engendre. Notre guide en chef nous informe donc que nous nous reposerons probablement sans vraiment dormir. Il fait très froid à cette altitude. Personnellement, je dors dans un sac de couchage, avec un sous-vêtement long (chandail et pantalons), un chandail a manches longues et un pantalon, un polar et ma tuque péruvienne. Bref, avec ma température corporelle qui descend toujours un peu au repos, j’ai froid toute la nuit.
Six heures d’un repos très relatif plus tard, on vient nous prévenir qu’il est minuit, que le déjeuner va être servi.
Je me lève, péniblement, ma tête ne va pas du tout mieux, ça a même empire si la chose est possible. Je regarde mon copain allemand, voisin de lit : il a l’air en pire état que moi. L’américain a l’air en forme, la suisse aussi, l’israélien adopte un ton neutre. Nous descendons déjeuner… Mon estomac me fait des signes pour me convaincre que je suis mieux de ne rien manger du tout. Je me contente d’une tisane à la camomille pour me réchauffer un peu. Les autres semblent manger normalement vu les circonstances.
Nous prenons notre équipement; harnais, bottes et tout, puis nos guides vérifient que nous avons bien enfile le tout correctement. L’allemand brise les rangs et file dehors, mais ne se rends pas aux toilettes avant de vomir.
Puis une heure sonne et nous partons, avec comme seule source lumineuse nos lampes frontales. Trois groupes se forment rapidement. L’américain et la suisse qui vont un brin plus vite avancent avec un des guides. L’israélien ne suit pas très loin avec un autre guide. Le guide en chef demeure derrière avec moi, puis l’allemand, les deux seuls qui semblent encore souffrir du mal d’altitude.
Nous avançons à très petits pas, lentement. En réalité, quand nous posons un pied devant l’autre, il est a peine devant, le talon étant souvent moins avance que le bout de l’autre pied. Le sentier est difficile, a pic, et compose de pierres volcaniques, donc le sol est très mou et on recule souvent d’un pas ou deux. Mais nous avançons.
Et c’est à 2h30 du matin que je remarque les étoiles et l’incroyable spectacle qu’elles offrent a nos yeux. Pendant toute l’ascension jusqu’alors, je m’étais concentre sur mes pas, sur le guide devant moi, et sur la tentative de ne pas penser au mal d’altitude.
Mais tout le long, je savais bien que monter plus haut n’était certainement pas la solution au mal d’altitude.
Nous sommes alors a 5000 m au dessus du niveau de la mer, sur le glacier du Cotopaxi, avec crampons, cordes, pics, et les guides ont convenus d’une courte pause. Les trois groupes se rejoignent donc et je peux voir que mon groupe n’était en fait que deux minutes derrière le groupe de tête. Le guide en chef nous inspecte tous, pour connaître notre condition.
Je suis conscient que mon étourdissement n’est pas pire qu’avant, mais il n’est vraiment pas mieux non plus. Pendant la montée, j’avais parfois l’impression que les choses allaient mieux, pour me sentir encore plus étourdi quelques secondes par la suite. Mon système semblait jouer au yoyo et je savais très bien que tôt ou tard, le manque de nourriture se ferait sentir aussi.
Bref, a 5000 m d’altitude, je savais que je n’atteindrais pas le sommet du Cotopaxi, a 897 m au-dessus de ma position actuelle, pas cette nuit, pas cette fois-ci.
Le guide nous demande si nous continuons ou s’il y en a qui préfèrent retourner. Sa question est visiblement dirige vers l’allemand qui ne semble pas aller très bien, vers moi qui souffre encore d’étourdissements évidents et vers l’israélien qui a perdu un peu plus que son arrogance.
Je sais donc que je devrai revenir à un moment ou un autre avant le sommet. Mais je sais aussi que peu importe ma décision, jamais je n’oublierai ce ciel étoile, un des plus beau spectacle que j’ai pu voir de ma vie.
Nous décidons tous de continuer.
Le temps passe très lentement, de nuit, par un froid intense, et alors que personne n’a l’énergie ou le souffle nécessaire pour entretenir une conversation. Nous atteignons le plateau de 5050 m. C’est a ce moment-la que le guide me dit que je serais mieux de retourner au refuge. Je lui dis que j’aimerais mieux continuer encore un peu, mais je sais qu’il a raison. Il suggère a l’allemand d’en faire autant, mais lui laisse le choix : il a l’air un peu mieux qu’a 5000 m alors que ma situation n’a pas changee.
Accompagne du guide, j’entreprends alors ma descente vers le refuge. Refuge que j’atteindrai un peu avant 3h30 du matin. Je me sens très fatigue, mais je suis un peu frustre, car mon cœur, mes poumons et mes jambes sont en parfaite forme pour reprendre une ascension. Mon guide m’informe qu’il n’y a rien à faire pour ce genre de mal. (Il existe des médicaments pour camoufler les symptômes, ce qui est parfait si vous avez affaire dans une ville en haute altitude, mais ces médicaments grugent votre énergie et sont donc contre-indiques en ascension, surtout une ascension du Cotopaxi).
Quinze minutes après mon arrive, j’ai regagne mon sac de couchage pour me reposer, sous les directives de mon guide. C’est a ce moment-la qu’un second guide revient, accompagne de l’allemand, dont l’état est pire que jamais. Il a réussi a se rendre a presque 5100 m, mais s’est effondre et s’est mis a vomir. Apres un moment de repos, il a donc été raccompagne au refuge.
Une parenthèse ici: sans vouloir alourdir cette narration, il y avait en même temps que nous dans la montagne une autre expédition, de 7 personnes. Donc d’autres guides avec eux. Comme notre groupe comportait maintenant 3 personnes et un seul guide, un des membres de notre groupe a rejoint un membre de l’autre groupe avec un de leur guide. Des cinq personnes parties en jeep de Quito, l’américain et la suisse étaient donc a 5200 m avec notre dernier guide. L’israélien avait joint un de ses compatriotes avec le guide d’une autre agence (mais tous les guides ici se connaissent depuis longtemps).
Le temps passe donc, nous dormons un peu, en compagnie de quelques autres randonneurs de l’autre groupe qui ont du redescendre aussi. Mais il fait très froid et je n’arrive pas vraiment à dormir d’un sommeil réparateur malgré la fatigue.
Le soleil se lève, et même si ma tête est dans le même état que la veille, mon estomac semble ne plus vouloir protester a l’idée de le nourrir. Je descends donc à la salle à manger, chacun des autres membres des deux expéditions dort ou se repose. Je grignote un brin, bois aussi, me sent mieux. Etourdi, mais toujours aussi frigorifie. Je réalise alors que le moment ou j’ai eu le moins froid depuis mon arrive a 4800 m la veille, c’était évidemment quand je grimpais le Cotopaxi cette nuit, puisque je faisais de l’exercice et que mon corps se réchauffait.
Je reprends donc tout mon équipement, et sous le superbe soleil de ce petit matin, je commence a grimper un peu le sentier, juste pour me réchauffer et prendre quelques photos – chose que je n’ai pu faire bien évidemment, en pleine nuit.
A un moment, à environ 4900 m, je réalise en regardant vers le refuge que mon ami allemand m’imite et monte lui aussi. Je ralentis donc un peu le pas, au cas ou son rythme lui permettrait de me rejoindre. Il s’arrête aussi en prenant des photos – j’apprendrai plus tard que c’est en me voyant prendre mon appareil qu’il a compris ce que je faisais et décidait de faire de même.
Mon cœur et mes poumons supportent bien cette seconde ascension, de même que mes jambes. Je ne pourrai pas aller bien loin sans guide : je vois parfaitement le sentier, mais ce n’est pas pour rien que les guides ne nous laissent pas seuls : l’ascension est technique et a certains points, il faut réellement être deux, en plus du fait que c’est très imprudent de faire ce type d’ascension en solo, puisqu’en cas d’incident, personne ne peut vous aider.
Bref, je m’arrange pour demeurer dans des limites sécuritaires à la fois du refuge et de mon ami allemand. Il me voit, je le vois, je (ou il) vois le refuge, nous sommes aussi tous a porter de voix. Et il fait jour.
Je m’arrêterai finalement sur le glacier a 5000 m d’altitude avant de redescendre lentement vers mon ami et le refuge.
Je me sens mieux, réchauffe, mais encore tout étourdi malgré tout.
Il s’écoulera un peu plus de temps que de coutume avant que nos deux randonneurs de tête ne reviennent au refuge: ils ont atteint le sommet et en sont très fiers, mais les conditions meteos en cet avant-midi empirent rapidement et ont complique leur descente. On jase un peu autour d’un café pour certains (je suis encore au thé camomille, puisque la caféine déshydrate, ce qui est contre-indique si vous soufrez du mal d’altitude). L’américain, et le troisième guide de notre groupe, nous informent qu’ils ont croises l’israélien lors de leur descente. Il était à environ 30 bonnes minutes du sommet, ce qui le mettait a environ 1h derrière eux, dans des conditions d’ascension normales.
Le problème, c’est qu’il n’allait pas bien du tout. En réalité, l’américain me confie qu’il n’a pas réagit a leur présence, il était étendu a plat ventre, face contre la glace, épuise. Notre guide lui a demande de rebrousser chemin, l’israélien a refuse et a continue a monter avant de s’effondrer une fois de plus. Son nouveau guide et le notre ont discute et d’après ce que notre guide a rapporte au guide en chef, l’autre lui a dit qu’ils se reposeraient un peu et redescendraient.
Deux heures plus tard, aucune nouvelles. Notre guide en chef, et un de ses adjoints reprennent donc leurs équipements et repartent en expédition de recherche.
Ce qu’il faut dire, c’est qu’entre temps, les nuages ont remplis le ciel, le vent fort a crée une poudrerie sur le glacier (que l’on ne voit plus du refuge). En fait, alors que les deux guides partent a la recherche des deux israéliens et du denier guide de l’autre groupe, ils font a peine 50 m avant qu’on ne les perde de vue. Et le temps passe, nous sommes déjà quelques heures en retard sur l’horaire habituel.
Une heure plus tard, tout ce beau monde revient ensemble. Le guide était ralenti par le fait que ses deux randonneurs étaient épuises – ils avaient refuses de le suivre et de revenir et avaient décides d’atteindre le sommet malgré leur condition physique qui se dégradait.
Le guide en chef était en beau maudit. Il a d’abord passe un savon au guide de l’autre agence pour le risque qu’il avait pris en les suivant au lieu de les forcer a redescendre. Puis il a engueullé comme du poisson pourri notre israélien pour ses agissements. Non seulement le gars n’avait pas respecte les consignes de sécurité, mais en plus, il avait pousse son système a bout, mettant sa vie en danger. Il avait aussi mis la vie de son guide en danger, celui-ci étant oblige de suivre plutôt que de le laisser seul avec l’autre randonneur. En plus, si la température avait été juste un peu moins clémente, eh bien ils seraient tous morts, tout simplement. Perdus dans la neige et le froid, et épuises. Jamais le guide n’aurait eu le temps de revenir et de remonter avec des secours en cas d’épuisement total au sommet. Enfin, en retardant notre redescente du refuge, il avait aussi mis notre santé en jeu, puisque le temps était de plus en plus mauvais et que nous devions tout de même rejoindre la jeep et préparer notre départ.
Si je compte les deux expéditions, douze personnes ont tentes l’ascension du Cotopaxi en cette nuit du premier septembre 2005. Cinq ont du rebrousser chemin – dont deux a plus de 5600 m d’altitude – cinq autres ont atteint le sommet dans des conditions acceptables. Deux l’ont atteint en mettant leur vie en danger.
Je vais vous dire une chose: je me sentais triste a l’idée de redescendre après avoir atteint 5050 m pendant la nuit. Je me sentais encore triste alors que nous revenions vers la jeep de n’avoir pas atteint le sommet. Je me sens encore triste de ne pas avoir complète l’ascension du Cotopaxi. Mais je ne regrette en rien la décision que j’ai prise de suivre les instructions du guide. Je me souviens lui avoir dit : « Je me sens capable de monter encore, mais c’est toi le spécialiste et si tu me dis que je ferais mieux de descendre, je descend ».
Dans ces conditions d’ascension, il ne s’agit pas de vouloir battre des records, il ne s’agit pas d’orgueil ou de l’image que l’on veut projeter envers les autres ou ses amis. Il s’agit d’expérimenter, de partir à l’aventure, mais pour le plaisir. Ce gars qui a brise les règles et mis sa propre vie en danger, il a agit de manière stupide. Mais le fait d’agir de la sorte a élimine tous les regrets que j’aurais pu avoir suite au niveau de 5050 m que j’ai atteint, au lieu du 5897 m qu’il y avait devant moi.
Enfin, quelques heures après mon retour a Quito – tout symptômes de mal d’altitude m’a quitte après être descendu a 4600 m – je suis même très fier de m’être tenu sous ce merveilleux ciel étoile a plus de 5000 m au-dessus du niveau de la mer – un record personnel, au moins! Et que j’ai atteint deux fois! – et je me dis que le Cotopaxi sera la pendant bien des années encore. J’imagine qu’on se reverra un jour.
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