mercredi 20 juin 2012

Crise sociale: Appel public sur l'enjeu initial

Au moment de prendre position sur l'enjeu initial du conflit étudiant (la hausse des frais de scolarité universitaires), en mars dernier, j'écrivais ceci:
"[La hausse] C'est un choix, nous devrions donc en débattre. Voilà pourquoi j'appui le mouvement étudiant. Ils forceront éventuellement le débat. Si ce n'est pas un débat immédiat, ils forceront peut-être le gouvernement à reculer, et cette question deviendra un enjeu lors de la prochaine campagne électorale, le débat se fera donc à ce moment, ainsi que le choix de société."
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L'actualité de cette fin de printemps semble m'avoir donné raison sur ce point; il faudra en débattre, et vraisemblablement pendant une campagne électorale au mois d'août prochain dont un des enjeu principal sera celui des frais de scolarité (*).
Je fais donc un pas en arrière dans le conflit et revient aujourd'hui à cet enjeu initial, qui a été depuis quelques mois, complètement englué dans le conflit social que le mouvement est devenu.
Et je fais ce retour sur l'enjeu initial pour une raison assez simple: Depuis ma prise de position, je n'ai lu nulle part, ni entendu nulle part, un seul argument valable, basé sur des faits et données, qui vienne justifier la hausse des frais de scolarité.
Pour être clair, les (très) rares arguments avancés par le gouvernement et les chroniqueurs pro-hausse sont que les universités sont sous-financées, que le gouvernement n'a pas d'argent pour mieux les financer, et que chacun doit faire sa "juste part". Sur ces arguments, relire ma prise de position initiale pour voir qu'ils ne survivent pas à l'épreuve des faits. Relire aussi au besoin sur les grands principes en cause, sur l'argument du manque d'argent de l'état, et sur une piste de solution proposée pour revenir à des valeurs sociales moins individualistes pour financer les services publics en général, et l'éducation en particulier.
Je fais donc un appel public, ici, en espérant que ce débat social ait réellement lieu (bien que je ne m'illusionne pas sur les biais que le parti au pouvoir lui donnera pour tenter de faire renouveler son mandat).
Un appel public à l'argumentation, basée sur des faits et idées, qui viendraient justifier la hausse. Je ne parle pas des personnalités en cause, ni de la grève, ni des actions des grévistes, des manifestants ou des policiers, ni des déclarations des politiciens. Je parle du choix social de hausser ou non les frais de scolarité.
Laissez vos arguments et textes en commentaires, ils seront par la suite intégrés au billet, et je les analyserai de mon mieux et le plus brièvement et honnêtement possible. Bref, j'invite tous ceux qui sont pro-hausse (et à en croire les sondages, ils sont nombreux et majoritaires au Québec, donc exprimez-vous), à me convaincre. Car pour l'instant, après quatre mois de conflit, aucun argument pro-hausse que j'ai pu lire n'a survécu à l'épreuve des faits. Aucun. Et c'est essentiellement pourquoi je suis toujours contre cette hausse des frais de scolarité.
(Prière d'éviter les répétitions inutiles, les généralités, les préjugés, la démagogie, les insultes ou les jugements de valeurs).
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À vous.
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(*) Le conflit étudiant sera définitivement à l'avant-scène de la campagne, ce qui risque d'être bien diféfrent d'un réel débat social sur l'enjeu de la hausse des frais de scolarité, comme on l'a vu depuis quelques mois déjà. Pour les fins de la discussion, assumons que ce débat ait lieu.

4 commentaires:

  1. (Partie 1)

    Tiens, tu me donnes envie de me faire l'avocat du diable... L'argument du gouvernement tient surtout en deux points : (1) les universités ont besoin d'argent, et (2) puisque le gouvernement et les universités vont mettre de l'argent neuf dans les universités, les étudiants qui peuvent se permettre de payer devraient payer plus.

    Examinons ça en détail. Les étudiants qui contestent que les universités soient sous-financées affirment soit que les universités gaspillent soit qu'il y a des universités qui sont encore moins bien financées au pays (en Ontario, par exemple). En bonne logique, la seconde objection ne tient pas plus la route que l'objection voulant que les étudiants québécois doivent payer plus parce que les étudiants paient plus ailleurs. Donc, concentrons-nous sur la question du gaspillage. Ce gaspillage existe, c'est certain. Les universités québécoises prétendent payer aussi bien leurs administrateurs et profs que dans les meilleures universités nord-américaines (même si le Québec est moins riche et même s'il n'y a pas beaucoup de Prix Nobel dans les bureaux des universités québécoises). Et il y a eu des dérapages fonciers et des duplications que l'on connaît tous, sans parler de l'utilisation moins qu'optimale des ressources humaines et matérielles des universités québécoises. Cela dit, si on ne croit pas les politiciens conservateurs qui prétendent pouvoir payer les baisses d'impôts en coupant dans la graisse bureaucratique, pourquoi devrait-on croire ceux qui affirment qu'éliminer ces gaspillages suffiraient à générer assez d'argent pour pallier les insuffisances des universités québécoises? Car, il y a des insuffisances, que ce soit au niveau des heures d'ouverture et des collections des bibliothèques ou que ce soit au niveau de l'emploi de nombreux chargés de cours pour enseigner des cours dont les professeurs devraient se charger. Or, ce n'est pas si facile de voir comment les universités québécoises arriveraient à éliminer certains de ces gaspillages. Il faudrait rouvrir en grand les conventions collectives pour exiger que les profs enseignent plus souvent, à plus d'heures du jour et du soir, et qu'ils acceptent des salaires conformes à la richesse moyenne au Québec. Si c'était possible et facile, je suggère que ceci aurait déjà eu lieu à la fin des années 90 quand Lucien Bouchard avait sabré dans les dotations universitaires. C'est pourquoi le gouvernement Charest a décidé d'injecter de l'argent neuf dans le système (et c'est ainsi que la dette du Québec ne cesse de grossir, à force d'opter pour ce genre de solution facile) et de faire participer les étudiants à cette augmentation.

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    1. Merci infiniment Jean-Louis, pour cette contribution appréciée. Manquant un peu de temps et devant me déplacer à Québec pour quelques jours, j'y répondrai lundi ou mardi prochain.

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  2. (Partie 2)

    Cette participation est-elle juste? Commençons par demander si une non-participation des étudiants serait juste. Elle signifierait que, ceteris paribus, les étudiants paieraient moins qu'avant pour leur éducation. Je suis de ceux qui considèrent que ceci ne favoriserait pas leur responsabilisation comme étudiants — responsabilisation qui suscite déjà des questionnements puisque le taux de diplomation des étudiants universitaires québécois est plus bas que la moyenne. Même si le gouvernement n'investissait pas d'argent neuf, un gel des frais aurait le même résultat. Par conséquent, une indexation en fonction de l'inflation semble relativement juste — dans l'intérêt même des étudiants.

    Par contre, si on admet le principe d'une participation, quelle serait la juste part des étudiants dans cette augmentation du financement. C'est une question complexe. La part étudiante doit se comparer à une contribution gouvernementale certaine, mais limitée dans le temps à cinq années (alors qu'il n'est pas question d'abolir l'augmentation après cinq/sept ans), et à une contribution universitaire incertaine (qui dépendra du mécénat, des profits provenant de brevets, etc.). De plus, la part nette des étudiants, compte tenu à la fois des frais afférents et des crédits d'impôt, est loin d'être claire. La part brute est d'environ 30%, toutefois, ce qui serait plus élevé que la part actuelle des frais de scolarité dans le financement des universités. À tout le moins, il paraîtrait défendable d'exiger que les étudiants paient la même part de l'argent neuf que la part payée dans le cadre du financement actuel, aux alentours de 13-17%. Il faudrait que je ressorte la calculatrice pour déterminer ce que ça donnerait comme augmentation, mais je crois que ça pourrait tourner aux alentours des 30-40% d'augmentation sur cinq/sept ans — en rétablissant peut-être le niveau actuel des frais (+ l'inflation) après cette période.

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    1. Merci infiniment Jean-Louis, pour cette contribution également appréciée. Manquant un peu de temps et devant me déplacer à Québec pour quelques jours, j'y répondrai lundi ou mardi prochain.

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