dimanche 17 octobre 2004

Le Petit miracle.
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Hola,
Vendredi soir dernier, j'ai cuisiné un petit repas équatorien pour quelques amis. Claire, une belle australienne, Ryoko, une belle japonaise, Suzie, une belle Québécoise et Takashi, un bel okinawais ;-)
Nous communiquions tous en anglais, dont c'était la langue seconde pour 80% des personnes présentes. J'appelle ça le petit miracle, que plusieurs personne d'un peu partout puisses facilement communiquer comme ça. Je l'ai expérimenté à quelques reprises, et ça m'a rappelé un petit texte que j'ai écrit alors que j'étais en Équateur (j'y reviens plus loin).
Le lendemain, j'ai réalisé que Claire parle un peu japonais et j'ai appris un peu au contact de ces amis aussi. Suzie et moi parlons français et espagnol, Claire parle un assez bon Allemand. A mon Starbucks downtown, l'ensemble des employés parle neuf langues différentes au total. Je trouve cette idée agréable, je voudrais les parler toutes!
Anyway, ce que tout cela m'a rappelé, c'est le petit miracle de l'Équateur... et quand il s'est produit, j'avais écris le texte qui suit. Bonne lecture.

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Ay, Dios mio!

La classe est turbulente aujourd’hui, sans raison apparente. Pleine lune, peut-être bien. Au Québec, on dirait qu’une tempête de neige se prépare. Ici, on pourrait peut-être dire qu’il y a de l’éruption volcanique dans l’air.

Je suis à l’école élémentaire Bowey’s dans le rang San Luis de Lloa, en Équateur. Ce matin, j’ai commencé mon cours d’anglais comme d’habitude, avec les élèves de 5e et 6e années. Plus tard, les 4e années nous ont rejoint. L’enseignement à plusieurs niveaux dans la même classe est parfois compliqué mais avec cette troisième semaine qui passe, le système que j’ai développé semble fonctionner de mieux en mieux.

Au début de mon séjour bénévole ici, chaque minute de chaque cours était un défi. Mon espagnol embryonnaire et l’absence de connaissance en anglais de mes élèves rendaient les communications folkloriques. Les élèves me parlaient candidement et naturellement en espagnol mais chaque question ou requête était un défi. Permission pour aller à la salle de bain, dessiner, colorier, transcrire les notes du tableau dans leur cahier, tout. On apprends à vivre avec ce genre d’écart, de déphasage de langage et on fini par se comprendre pas trop mal. Et comme enseignant, j’apprenais aussi de mes erreurs.

Pourtant, en ce jour de pleine lune probable, rien n’y fait, tout le monde s’agite. Diego semble complètement absent, Valeria regarde par la fenêtre, Cesar est maintenant étendu sur son banc plutôt qu’assis, Deisy et Jessica parlent à voix basse en imaginant que je ne m’en rends pas compte. Pourtant, ça doit faire plus de cinq fois que je réclame un peu de silence et d’attention.
Je m’arrête donc au milieu d’une phrase et attends.

Je jette un coup d’œil à Nancy, qui hausse les épaules l’air de dire qu’il s’agit juste d’une bande de bébés.

– Ok, silencio! Valeria, la clase esta aqui, no alla. Deisy, Jessica, silencio! Cesar… Cesar, sientate por favor!!

Cesar émerge lentement de sa position couchée en s’asseyant à moitié…

– Oh, my God… dis-je d’un air découragé, enchaînant en français:
– Qu’est-ce que je vais faire de vous autres aujourd’hui?

Nancy lève la main.

– Si, Nancy.
– Oh my God significa Ay, Dios mio, si?

Je souris.

– Si. Como sabes?

Elle me réponds qu’un autre volontaire (venu enseigné deux mois avant que je n’arrive, pendant deux semaines) n’arrêtait pas de dire ça – Oh my god!

Je souris toujours, imaginant le volontaire disant toujours Oh My God… Même lorsqu’ils sont indisciplinés, mes élèves trouvent le moyen d'être drôles!

De toute manière, toute la classe est étrangement silencieuse tout à coup. Attendant la suite, ou trouvant que le cours est soudainement devenu plus intéressant. Je souris car un sentiment très agréable vient de balayer tout le reste. Je réalise à quel point nous communiquons ensemble maintenant. Entre mon espagnol bancal mais meilleur et leur anglais de base, nous nous comprenons. La transition entre les premiers cours et cette discussion s’est effectuée en douceur, sans que je m’en rende compte. Je réalise que les histoires de salle de bain, de chamaillage, de place en classe ou les autres questions, tout cela n’est plus un défi, nous avons comblé ce vide.

Ce que j’appelle le petit miracle s’est produit à nouveau, nous communiquons, et assez facilement.

Le véritable défi n’est plus de me faire comprendre ou de les comprendre, désormais, mais de leur donner une petite mais solide base en anglais. De leur enseigner, puisque c’est ce que je suis venu faire ici en premier lieu. Eux m’ont déjà enseigné beaucoup.

Mon projet commence donc.
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