samedi 29 juin 2013

La rue Demers

Le jour où je n'aurai plus rien à découvrir dans la ville que j'habite, je serai bien triste. Heureusement, Montréal est assez vaste, diversifiée et hétéroclite pour que je puisse y faire des découvertes régulièrement.
Et je n'ai pas nécessairement à me rendre à l'autre bout de la ville pour se faire; la rue Demers étant un parfait exemple de petite découverte urbaine à quelques pas de chez moi.
La rue Demers est sur le Plateau Mont-Royal, un quartier où je vagabonde des dizaines de fois par an, mais le hasard ne m'avait jamais emmené sur cette toute petite rue, sise au sud de St-Joseph.
Il faut dire qu'elle n'est pas longue, la rue Demers, alors elle est facile à rater.


Son extrémité ouest est située au croisement de Coloniale. Sur cette photo de petit balcon au garde de fer forgé, on peut voir que Demers est bien une rue officielle, et non une ruelle ou un passage.


Bien que la rue Demers soit assez large pour permettre le passage des véhicules, je n'en ai vu aucun l'emprunter lors de mon exploration de ce samedi après-midi de long congé. Le fait qu'elle soit parallèle à St-Joseph et qu'elle ne s'étende que jusqu'à Henri-Julien à l'est ne favorise pas l'achalandage routier, et c'est tant mieux.


Les voitures qui l'empruntent vers l'est ont toutefois une surprise; le tronçon à l'est de Hôtel-de-Ville est dominé par des plantes et des jardins, les résidents ayant transformé la rue Demers en "rue verte".


L'effe est absolument charmant, même par une journée sans soleil et avec un ciel gris. Moulin décoratif, fontaine, herbes, le tout bordé de trottoirs pavés de pierre, donne à ce segment un caractère bucolique; on n'a pas l'impression d'être en plein coeur de la ville.


D'ailleurs, s'il n'y avait pas ce panneau pour indiquer le croisement, le marcheur qui se balade sur Henri-Julien entre St-Joseph et Villeneuve pourrait bien ne jamais apercevoir cette petite rue.


Par contre, le marcheur intéressé par ce genre de choses ne manquera pas de remarquer cette vieille publicité de l'épicerie Bérard (A ou R.) et de la farine Robin Hood, sur Henri-Julien entre St-Joseph et Demers.


Sinon, s'il rate l'entrée est de la rue Demers, le marcheur pourra toujours s'arrêter à la librairie au coin d'Henri-Julien et Villeneuve.


Cette petite exploration d'un samedi pluvieux et gris se déroulait à deux pas (littéralement, à deux coins de rue de l'accès est de la rue Demers) d'une autre petite découverte urbaine, cette rangée de maison dont j'avais parlé en détail en 2009. Comme quoi ma ville me réserve encore quelques agréables surprises.
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vendredi 28 juin 2013

Cinéma-voyage: Chili

Note: Ce billet s'inscrit dans la série Cinéma-Voyage.
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Ce billet de cinéma-voyage nous emmène en Amérique du Sud, au Chili, plus précisément, et nous ramène également dans le passé, puisque l'action de NO se déroule en 1988.
NO raconte l'histoire du référendum chilien sur le maintient au pouvoir du dictateur Augusto Pinochet. Le plébiscite, organisé après 15 ans de pouvoir et sous la pression de la communauté internationale, devait être arrangé par les autorités pour être gagné d'avance, mais par soucis de transparence envers la communauté internationale, on avait permis à l'opposition, le comité du non (le NO du titre) de profiter de 15 minutes de télévision par jour pendant les 27 jours de la campagne.
Le film suit la campagne du point de vue de René, un publicitaire qui se retrouve en partie responsable de la campagne télévisée du Non, employé d'une agence dont le patron offre ses services au régime, en faveur du Oui et de Pinochet. Coups bas, menaces, intimidation envers les membres de l'équipe de tournage, copie des concepts et logos, la campagne du Oui mise sur les stratégies habituelles de la droite autoritaire.
Le défi de la coalition du Non est multiple, puisqu'en plus de la peur d'aller voter contre le dictateur, plusieurs se doutent bien que le résultat sera arrangée, donc qu'il semble inutile de s'impliquer ou d'aller voter, sans parler de ceux qui par principe, croient que de participer est de reconnaître l'autorité de celui qui organise le plébiscite. La plupart cherchent donc simplement à utiliser cette campagne, sans espoir de la gagner, pour dénoncer le régime et ses atrocités, mais René réussi à convaincre les responsables qu'il leur faut plutôt une campagne positive. Il développe donc son concept autour du thème du bonheur qui s'en vient, avec un logo en arc-en-ciel et des publicités bucoliques sur l'avenir d'un Chili sans Pinochet. Évidemment, sa stratégie sera mise à dure épreuve pendant la campagne, autant par ses alliés que par ses ennemis.
NO est donc un film politique qui intègre plusieurs éléments historiques, et dont la chute nous est déjà connue pour peu que l'on connaisse l'histoire de l'Amérique latine. L'intérêt du scénario repose donc non pas dans le "qu'arrivera-t-il", mais dans le "comment". Le réalisateur a donc opté pour des images réalistes, dont le grain est souvent apparent, et a tourné en format 4/3 comme on le faisait en 1988, ce qui lui permet l'intégration d'images d'archive sans que le spectateur ne puisse repérer ces insertions dans ce docu-fiction qui nous est raconté. Le toujours excellent Gael Garcia Bernal - devenu un acteur incontournable des productions socio-politiques latino-américaines - interprète René avec subtilité et caractère (et il semble que l'acteur puisse adopter à peu près n'importe quel accent espagnol au fil des ans, jouant ici un chilien revenu d'exil depuis peu).
Notons en terminant que NO - qui vient tout juste de sortir en DVD - était en nomination aux plus récents Oscars, dans la catégorie des meilleurs films en langue étrangère (avec Rebelle, de Kim Nguyen et Amour, qui a remporté l'Oscar).
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jeudi 27 juin 2013

Cinéma-voyage: Inde

Note: Ce billet s'inscrit dans la série Cinéma-Voyage.
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Le pays que nous visitons par procuration cette fois-ci est l'Inde, lieu de l'action du très beau The Best Exotic Marigold Hotel, de John Madden (réalisateur surtout connu pour son Shakespeare in love). J'aurais pu vous emmener en Inde avec le très drôle, décalé et aérien The Darjeeling Limited, mais j'ai décidé de proposer un film plus récent, et pas assez connu du public considérant ses grandes qualités.
The Best Exotic Marigold Hotel raconte le périple d'un groupe disparate d'anglais partis pour s'installer en Inde, dans cet hôtel de luxe récemment restauré, certains pour échapper à la routine, aux problèmes quotidiens, d'autres pour échapper à leurs tracas financiers (l'Inde étant moins chère que l'Angleterre pour une retraite), d'autres encore pour poursuivre de vieux souvenirs ou profiter du système de santé abordable et rapide qu'offre l'Inde aux étrangers.
Ils sont donc sept à débarquer - la plupart pour la première fois de leur vie - à Jaipur, en Inde... pour y découvrir que l'hôtel de luxe en question est un vieil édifice dont la grandeur est un lointain souvenir, mais qui est géré par un enthousiaste jeune homme aux projets ambitieux, un optimiste qui fait tout pour que ses hôtes se sentent à la maison malgré le manque de fonds pour rénover l'endroit proprement.
Voilà pour le prétexte, puisque ce résumé n'est que l'amorce du film, qui suit les aventures et mésaventures de nos sept anglais en Inde, ainsi que celles de Sonny, le jeune gérant de l'hôtel. The Best Exotic Marigold Hôtel est donc d'abord un film de dépaysement, mais qui ne se contente pas de ce thème, et explore les joies et drames de plusieurs personnages d'horizons divers à la manière d'un film chorale, mais avec juste assez de personnages pour approfondir chaque trame avec délicatesse. L'humour qui vient de Sonny - un grand romantique amoureux mais souvent malchanceux qui ne se décourage jamais et ne semble voir que le positif dans toute situation - est rafraichissant et constitue un parfait contrepoids à quelques situations dramatiques qui parsèment la nouvelle vie des expatriés.
Outre l'intérêt de son excellent scénario et d'une très belle réalisation, doublée d'une direction photo splendide, le film est aussi un prétexte pour le cinéphile, d'explorer la culture et les paysages de ce coin de l'Inde - un pays très différent des pays occidentaux sur à peu près tous les plans. J'imagine que de mettre en vedette des acteurs du troisième âge explique en partie pourquoi le film n'a pas connu un grand succès public, bien que les jeunes auraient dû remarquer la présence étincelante de Dev Patel dans le rôle de Sonny, lui qui s'est fait connaître avec Slumdog Millionnaire. Pourtant, avec une distribution composant des personnages d'un grande subtilité - je pense surtout à Judi Dench, Tom Wilkinson, Maggie Smith et Bill Nighty qui sont absolument sublimes ici - le film n'est rien que moins qu'un petit chef d'oeuvre malheureusement méconnu.
Pour ma part, je recommande sans réserve ce petit bijou de film.

lundi 24 juin 2013

Pour leur 50e anniversaire

Nous célébrons ces jours-ci le 50e anniversaire de mariage de mes parents. Pour l'occasion, j'ai donc écrit un petit texte, que je présente ici, en guise de cadeau d'anniversaire virtuel, puisque cet événement m'a appelé à réfléchir au temps qui passe et à ce qui se déroule autour de nous pendant que nous vivons notre vie.
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Quand on célèbre un anniversaire, on est toujours porté à réfléchir au temps qui passe. Pour moi, le passé, c'est comme un autre pays, c'est un endroit donné, bien réel, où parfois, il fait bon voyager, le temps de prendre des vacances du présent, ou de se souvenir de cet endroit, d’un moment précis.
Aujourd'hui, fin juin 2013, alors que nous célébrons le 50e anniversaire de mariage de Gigi et J.E., je vous invite donc à mettre de côté vos téléphones cellulaires, fermer momentanément votre page Facebook, oubliez l'essence à 1,38$ le litre, oubliez les difficultés au Cégep, oubliez le gouvernement conservateur que vous rêvez peut-être de remplacer par celui de Justin Trudeau. Oubliez que les Canadiens ont perdu en première ronde des séries, ne pensez plus au dernier film de Brad Pitt ou à la dernière série télé avec Claude Legault. Venez plutôt voyager avec moi, puisque je vous invite à m'accompagner quelques minutes pour des vacances, à une toute autre époque.
Vos bagages sont prêts, vous avez vos billets, vous êtes confortablement installés, alors merci de voler sur Air-50e, nous espérons que vous aurez un agréable séjour avec nous.
L'avion décolle et nous remontons lentement, en 2012, puis en 2010... Nous prenons de l'altitude, de la vitesse, nous survolons les États-Unis un moment, nous passons 1999, puis 95, j'oublie donc complètement que Barrack Obama existe, j'aperçois plutôt Bill Clinton, puis Ronald Reagan et Richard Nixon. Nous atteindrons bientôt notre destination, prière de ranger vos appareils électroniques, nous nous préparons pour l'atterrissage.

Bienvenu dans le passé. Au moment où cette visite débute, c'est John F. Kennedy qui est président des États-Unis, et il vient d'ailleurs de se battre pour faire admettre le premier noir de l'histoire dans une université américaine. À l'autre bout du monde, l'URSS est une puissance mondiale, et on installera dans les prochaines semaines, le célèbre téléphone rouge entre la Maison Blanche à Washington et le Kremlin à Moscou. En Europe, c'est Charles de Gaulle qui est le président de la France... mais il s'écoulera encore 4 ans avant qu'il ne dise « Vive le Québec libre » du balcon de l'hôtel de ville de Montréal. Car pour ce voyage, nous sommes en 1963, l'année où Gigi et J.E. se marient, et nous sommes le premier juillet.
En attendant de me rendre à l’église ce matin-là – puisqu’on se marie à 10h du matin – je m’arrête à la tabagie pour jeter un coup d’œil aux journaux. Lester B. Pearson a été élu Premier Ministre du Canada trois mois plus tôt, avec les Libéraux, et il s'agit d'un gouvernement minoritaire. Mais tout va bien, puisque Pearson deviendra majoritaire dans deux ans, avec à son bord un jeune député du nom de... Trudeau.
Au Québec, c'est la Commission Parent sur l'éducation qui vient de déposer son premier rapport. C'est un document fort important pour Jean-Eudes, qui, plongé dans sa journée de noces, ne le sait peut-être pas encore. Car ce rapport mènera à la création des CEGEP où J.E. passera la majorité de sa carrière d'enseignant dans les prochaines décennies.
Notre premier ministre du Québec, monsieur Jean Lesage, dépose d'ailleurs le projet de loi 60 créant... un Ministère de l'Éducation. Personnellement, je m'imagine mal un monde sans Ministre de l'Éducation. Contre qui les étudiants peuvent-ils manifester? J'ai l'impression que ce voyage m'a amené dans un bien drôle de monde. Quand Gigi et J.E. se marient, Martin Luther King est toujours vivant, et il n'a même pas encore lancé son discours «I have a dream », qu'il prononcera un peu plus tard cette année-là. En me rendant à l’église, je remarque que l’essence est à 36 cents le gallon (pour les plus jeunes parmi nous, ça veut dire environ 9 cents le litre).
À la tabagie, pour 75 cents, j’ai acheté l’Almanach du Peuple, dont la couverture est occupée par deux vedettes de l’heure: Paul Berval et Réal Giguère. J’y découvre que la population du Québec vient d’atteindre les 5 200 000 personnes, et que la semaine moyenne de travail est de 41 heures et demie pour un salaire hebdomadaire de 68,10$. J’y lis également qu’aux États-Unis, il y a moins de divorces depuis l’avènement de la télévision, qui resserre les liens familiaux.
L'année 1963 est une année charnière dans la vie de Gigi et J.E., le moment où ils entreprennent leur projet de vie commune, et il y a de l'excitation dans l'air chez les Morin et les Paré à Roberval. C'est aussi une grande année pour un groupe de jeune musiciens, dont les disques Please please me, I want to hold your hand et She loves you se classent à la première place des ventes au Royaume-Uni. Ils s'appellent les Beatles. C'est aussi l'année du premier 45 tours d'un nouveau groupe appelé les Rolling Stones et la première chanson d'un petit prodige de 12 ans du nom de Stevie Wonder.
Mais à Roberval, devant l'église St-Jean-de-Brébeuf, où attendent les invités et le curé Victor Simard, on préfère la chanson en français. C'est donc les voix de Dalida, d'Enrico Macias et Claude François, que j'entends à la radio, avec celles de Ginette Reno, Michel Louvain, Pierre Lalonde, Donald Lautrec et Michèle Richard. On commence aussi à parler de ce jeune chanteur qui a gagné le concours de la chanson canadienne l’an dernier, un nommé Jean-Pierre Ferland. Mais un des chanteurs les plus populaires est Charles Aznavour, avec des succès comme Les Comédiens, Il faut savoir, et Et Pourtant. Aznavour n'a pas encore mis les pieds à la Place des Arts, mais ce complexe de salles de spectacle ouvrira justement à l'automne prochain, à Montréal! On construit d'ailleurs beaucoup à Montréal, où les travaux de la Tour de la Bourse ont débuté, alors que l'on vient tout juste d'inaugurer la Place Ville-Marie.

Il se passe beaucoup de choses alors que Gigi et J.E. partent pour leur voyage de noces. Le mur de Berlin n'existe que depuis un an et demi, Pablo Picasso est en train de peindre sur la côte d'Azur, le roman La Planète des Singe vient juste de sortir, et c’est Fidel Castro qui gouverne Cuba, malgré un embargo économique imposé par les américains. Deux jours après le mariage de J.E. et Gigi, le ministre René Lévesque annonce une baisse des tarifs d'électricité pour les usagers d'Hydro Québec et les nouvelles mentionnent que la star française Brigitte Bardot militera désormais pour la cause animale. Et même si on n'en parle pas aux nouvelles, dans diverses familles, on célèbre des naissances; celle de Michael Jordan, de Christian Bégin, de Claude Legault, de Roch Voisine, Quentin Tarantino, Brad Pitt et Roy Dupuis.

J.E. et Gigi reviennent de leur voyage de noces, et s'installent rue Paradis. Le nouveau Pape, Paul VI, préside le concile Vatican II, dont on parle beaucoup. L'automne arrive, J.E. débute comme enseignant au Séminaire des Pères Maristes de Roberval, et une nouvelle saison de hockey commence dans la ligne nationale. On espère que les Canadiens feront mieux que l'an dernier, où ils ont terminé 3e de la ligue... sur les 6 équipes, et ont été éliminés dès la première ronde – 4 parties à une – par les Maple Leafs de Toronto. C'est Gordie Howe qui est le meilleur marqueur de la ligue, mais le meilleur compteur des Canadien, c'est évidement Henri Richard, alors que quelque part à Thurso, un jeune garçon appelé Guy Lafleur vient d'avoir 12 ans.
Une journée de septembre, en attendant le retour de J.E. et Gigi, je jette un œil à la télé, chez Cécile, en bas, avec Nénine. C'est Joël Denis et Pierre Lalonde qui animent « Jeunesse d'Aujourd'hui ». Joël Denis n'a pas encore chanté le Ya-Ya, qu'il sortira seulement l'année prochaine. J'écoute les premiers épisodes de deux nouvelles séries : Au-delà du Réel et Le Fugitif, et j'aime bien la nouvelle émission qui s'appelle le Zoo du Capitaine Bonhomme, mais Nénine préfère regarder le nouveau téléroman Septième Nord, avec Roland Chenail, Janine Sutto et Monique Miller. Moi, mon regard est surtout attiré par Astro le petit robot, un tout nouveau dessin animé.
Je ne le sais pas encore, mais ce voyage en 1963 va aussi être important pour moi, puisque cet automne-là, à la télé, débute une toute nouvelle série, avec un chien qui se balade d'une aventure à l'autre, et ça s'appelle « Le Vagabond ». Puis, en octobre, on annonce le décès d'Édith Piaf, un mois avant l'assassinat de John F. Kennedy à Dallas. Marilyn Monroe n'est pas morte depuis un an encore, c'est donc aussi une époque tourmentée, 1963. Marilyn me rappelle que tant qu'à visiter 63, je devrais me rendre au Cinéma Roberval, qui présente justement un film sorti quelques mois plus tôt avec un nouveau héros qui est un espion anglais, et ça a l'air vraiment bon, ce « James Bond contre Dr. No. ». C'est en programme double avec « Les oiseaux » d'Alfred Hitchcock. Devant le cinéma, il y a une grande affiche d'un film à venir intitulé Laurence d'Arabie et un article de journal qui parle de Sydney Poitier, qui a remporté l'Oscar du meilleur acteur quelques mois plus tôt.
En attendant d'aller voir mon programme double, je passe au magasin pour voir les nouveautés en bandes dessinées. Il y a un journal Pilote, avec un nouveau personnage qui s'appelle Achille Talon et une revue américaine annonce leur nouvelle série, The Avengers. Un jeune homme de l'âge de J.E., dans la vingtaine, achète deux nouvelles bandes dessinées: Astérix et les Goths et le dernier album de Tintin: Les Bijoux de la Castafiore.

C'est bien beau tout ça, mais ce qui me frappe le plus pendant ce voyage, c'est comment les choses ne vont pas trop vite, comment les revues datent de quelques semaines, et les films de quelques mois, comment c'est long de composer le numéro de téléphone de Ti-Louis Paré, à 7 chiffres, sur le téléphone à roulette de l'appartement de la rue Paradis, et qu'il ne puisse pas répondre quand il n'est pas là, sans parler de lui laisser un message! On ne peut même pas enregistrer un 33 tours sur une cassette, puisque le premier magnétophone à cassette sera lancé seulement dans quelques semaines. À ce moment-là, par contre, on pourra prendre des photos Polaroïd en couleur - donc prendre une photo couleur et en voir immédiatement le résultat!
Si l'information circulait plus vite – si nous avions alors accès à une sorte d'encyclopédie ou de bibliothèque mondiale, du bout des doigts – alors que s'achève l'année 63 et notre voyage, nous aurions pu savoir qu'un type nommé Douglas Engelbart venait tout juste d'inventer la souris informatique... alors que des universitaires présentaient un nouveau langage de programmation: le Basic. Nous aurions vu que la ville de New York avait démoli la gare Pennsylvanie pour faire place à un aréna: le Madison Square Garden. Nous aurions appris qu'une cosmonaute russe était devenue la première femme dans l'espace, et que celle qui serait la première québécoise dans l'espace, Julie Payette, venait de naître. Et tout ça, c'était bien sûr six ans avant que l'homme ne marche sur la Lune. Au début de l'hiver 63-64, Gigi, enceinte d'Hélène, ne le sait pas encore, mais quand Armstrong mettra les pieds sur la Lune, elle sera à deux mois d'accoucher... de Luce.

Il est maintenant temps de terminer ce court voyage, trop court, évidemment, comme tous les voyages. Bagages et billets en main, s'il vous plaît, nous espérons que vous avez fait une agréable visite avec Air-50e. L'avion décolle et nous revenons lentement, en 1965, puis en 67... Nous quittons la révolution tranquille, prière de prendre garde aux turbulences pendant que nous traversons la crise d'octobre. Nous prenons de l'altitude, assistons du ciel aux Jeux Olympiques que l'on peut voir alors que le Stade n'a pas encore de toit et que son mât n'est pas terminé. On prend de la vitesse, nous survolons les deux référendum sur la souveraineté et passons devant Jean Drapeau, Robert Bourassa, Jacques Boulanger et Lise Payette. Nous serons bientôt de retour chez nous en 2013, prière de ranger vos appareils électroniques et ne vous inquiétez pas, même si les choses ont beaucoup changées depuis notre départ de 1963, il est normal que les frères Castro gouvernent toujours Cuba malgré l’embargo américain… et que ce soit toujours la reine Élisabeth II qui règne en Angleterre.
Dans quelques instants, nous allons atterrir à l'aéroport Trudeau, à quelques pas de chez Gigi et J.E. Pendant que l’avion rejoint le terminal, je vous invite à méditer qu'en 63, J.E. et Gigi se sont promis que leur amour durerait pour toujours. Et que depuis, cet amour a vu passer plus de 20 premiers ministres et 5 papes, a été témoin de la création de plus de 30 pays, il a vu naître et mourir la princesse Diana, a vu la chute du mur de Berlin, et a duré plus longtemps que toute la vie de Shakespeare... Peu de gens peuvent en dire autant.
Merci d'avoir voyagé avec nous.
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samedi 22 juin 2013

Les murales de la "Main" (3)

Suite et fin de mon exploration des nouvelles murales urbaines de la rue St-Laurent à Montréal.


Profils aux cheveux verts.


Celle-ci fait partie d'un diptyque du côté ouest de St-Laurent, dans une cour où ont lieu des travaux. j'espère que ce qui y sera construit ne cachera pas cet original.


Suite du diptyque, celui-là devrait être à l'abri malgré les travaux, situé en hauteur sur le mur de l'édifice voisin.


Celle dont je vous avait montré un aperçu en coin dans le billet précédent. Certainement une des plus réussies parmi les nouvelles murales, c'est coloré, joyeux, parfaitement adapté au bâtiment sur lequel elle apparaît, sur un coin de rue en plus, elle combine plusieurs éléments intéressant; le thème et l'intégration des couleurs et des signatures (pas trop encombrantes) en fait la plus spectaculaire du lot.


Un des nombreux détails de la murale précédente; un rat et deux cannettes de peinture vide.


Ceci n'est pas à proprement parler une murale urbaine, mais relève de l'art urbain et je ne l'avais jamais vu à cet endroit sur St-Laurent, mais l'affaire rappelle évidemment ces affiches-murales que j'avais déjà noté ailleurs en ville.


Ceci n'est pas une murale et j'ignore s'il s'agissait d'un projet d'art urbain relié au festival, mais ça n'était pas là avant. C'est sur Prince Arthur, au coin de St-Laurent, et c'est très simple, comme installation; un vieux piano et un banc. Libre d'accès. Au moment où je suis passé, un vieux monsieur, arrivé en vélo, jouait des airs classiques.
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vendredi 21 juin 2013

Les murales de la "Main" (2)

Suite du billet précédent, sur mes explorations des nouvelles murales de la rue St-Laurent, apparues lors d'un récent festival d'art urbain.


Je vous avais laissé dans les stationnements juste au sud de Prince Arthur, et je réalise en triant mes photos que je n'ai pas pris de notes sur l'emplacement précis de chaque murale.


Au départ, je croyais être en mesure de me souvenir des croisements, mais j'avoue avoir aperçu plus d'oeuvres que prévu, l'ensemble étant réparti du nord de Sherbrooke au sud de Mont-Royal, un assez long tronçon de la "Main".


Parfois, il y a des murales de part et d'autre d'une rue transversale au croisement avec St-Laurent, ce qui est le cas avec celle ci-haut, qui se trouve juste en face de la précédente.


Certaines murales sont clairement identifiées par leurs auteurs, et certaines avaient même encore un panneau identificateur du festival de la semaine dernière, mais ce n'est pas le cas partout. Dans le cas de ces créatures roses, j'ai la nette impression qu'elles étaient déjà présentes avant le festival...


Mais dans le cas de ce coq du quartier portugais, doublé d'un bateau (de pirate? d'explorateur?) qui sortent d'un cadre décoratif, je n'ai pas souvenir d'avoir déjà vu l'oeuvre auparavant.


Celle-ci est en face du Parc du Portugal.


Celle-là - dont je ne vous livre qu'un aperçu de côté pour le moment - est probablement la plus spectaculaire des nouvelles murales de St-Laurent.
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à suivre

jeudi 20 juin 2013

Les murales de la "Main" (1)

Avec mon billet du 9 mai sur quelques murales montréalaises, je me décidais à créer un étiquette spécifique pour les nombreux billets que j'ai consacré au fil des ans au phénomène des murales urbaines. Je n'ai pas encore eu le temps de répertorier mes anciens billets sous le nouvel étiquette (ça viendra), que la rue St-Laurent (la "Main", comme elle est surnommée à Montréal) organisait un festival d'art urbain au cours duquel plusieurs artistes devaient réaliser des murales urbaines le long de l'artère commerciale.
J'étais alors absent - mon séjour au Lac-St-Jean de mes billets de la semaine passée - mais je me suis repris cet après-midi en allant me balader rue St-Laurent pour voir le résultat du festival.


Un peu au nord de Sherbrooke, on retrouve deux parcs de stationnements de part et d'autre de la rue principale, et plusieurs murales y ont été réalisées. En général, on parle de murales sur les murs latéraux d'édifices sur St-Laurent ou des murs arrières d'édifices sur les rues parallèles dont l'arrière donne sur St-Laurent. Je ne commenterai pas chaque photo, je vous laisse vous faire une opinion par vous-même. Celle-ci, s'intitule "Balle de break".


"À qui appartient le nationalisme?"


"Barré". Simple, sobre, mais rigolo.


Toujours dans le même stationnement (d'où la présence de nombreuses voitures sur ces photos).


L'interprétation n'est pas toujours évidente, comme vous pouvez le voir, mais le résultat est presque toujours esthétiquement intéressant.


Je ne sais pas si les murales sont là pour rester - on l'espère - mais j'ai su qu'il y avait eu d'autres installations d'art urbain pendant le festival, installations qui ont disparues, d'après ce que j'ai pu voir (ou ne pas voir, justement) cet après-midi.


Parfois, il faut faire l'effort de faire quelque pas à l'écart de St-Laurent pour pouvoir admirer les oeuvres. Et dans quelques cas (pas ceux montrés ici, je pense), je n'arrivais pas toujours à me souvenir si telle ou telle murale était déjà là avant le festival (la "Main" comportait déjà quelques murales urbaines avant l'événement).
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à suivre

lundi 17 juin 2013

Cinéma-voyage: Maghreb

Note: Ce billet s'inscrit dans la série Cinéma-Voyage.
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Cette étape de nos voyages cinéma s'arrête quelque part au Maghreb... L'endroit n'est pas spécifié avec exactitude, même que le narrateur du film La Source des femmes nous indique dès les premières minutes que l'histoire pourrait tout aussi bien se dérouler dans la péninsule arabique.
La Source des femmes raconte la révolte des femmes d'un village arabe, vue du point de vue de Leila. C'est que plusieurs d'entre elles se blessent, ou perdent leur enfant en cours de grossesse car il est de leurs tâches quotidiennes de rapporter l'eau au village à partir d'une source située sur une haute montagne, alors que les hommes du village ne sont guère occupés. Sous l'inspiration de Leila, une jeune femme nouvellement arrivée au village suite à son mariage, les femmes décident de faire la grève... du sexe.
Présenté à Cannes en 2011, La Source des femmes est un autre film qui offre un regard différent sur le monde arabe, un regard qui n'est pas spécifiquement axé sur les aspects politiques ou religieux, mais qui s'intègre dans le quotidien des gens du villages qui eux, sont impliqués dans la politique et la religion locale, les deux éléments s'entremêlant plus souvent qu'autrement.
Il s'agit d'une comédie dramatique assez bien balancée et dont les éléments dramatiques sont peut-être plus puissants que ses aspects plus légers, puisqu'on y traite évidemment de la condition des femmes, mais aussi des mariages arrangés, des traditions et de la violence conjugale. (Évidemment, ce ne sont ni toutes les femmes ni les hommes qui réagissent de la même manière aux suggestions progressistes de Leila). On peut aussi y voir une métaphore sur l'éducation, puisque Leila est la seule femme du village qui sait lire, son mari étant professeur et lui aussi plutôt progressiste.
Que vous soyez amateurs de sous-titres ou non, il faut absolument visionner La Source des femmes en version originale arabe (il y a des sous-titres en français dans la version disponible au Québec), car évidemment, la langue fait partie de la culture et de l'ambiance particulière du village. Dans le rôle principal, l'actrice française Leïla Bekhti (que l'on avait pu voir dans Paris, Je t'aime et Un prophète) porte le film avec une fougue sympathique et elle a d'ailleurs remporté le César de la meilleur actrice pour ce rôle.
Pour une incursion amusante, mais racontée avec sérieux, dans ce monde et cette culture que l'on ne connait pas assez, La Source des femmes est donc tout indiqué comme voyage de cinéma.
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dimanche 16 juin 2013

Sur la rivière Mistassibi

Les gens qui ne sont pas de la région penseront que j'ai fait erreur dans le nom de la rivière. Mais non, rassurez-vous, je veux bien parler de la rivière Mistassibi (et non de celle, plus connue, qui s'appelle Mistassini). Il est pourtant facile de les confondre, quand on n'est pas du coin, puisque la Mistassini est une longue rivière qui se jette dans le Lac St-Jean et qui, juste avant, traverse la ville qui était connue autrefois sous le nom de Dolbeau. C'était avant la fusion avec la ville voisine, Mistassini, qui elle, se trouve (paradoxalement, vu son nom) sur la rivière Mistassibi. Des questions jusque-là? La Mistassibi, c'est une rivière aussi longue que la Mistassini, et elle se jette justement dans cette dernière (entre les secteurs de Dolbeau et de Mistassini), avant d'aboutir dans le Lac St-Jean.
Hier, je suis donc parti en randonnée sur les berges de la Mistassibi avec mes copains Istvan et Suze (d'excellents guides locaux puisqu'ils sont natifs de Dolbeau-Mistassini).


Dans le secteur que nous avons exploré, la Mistassibi est une affaire assez large et avec un débit impressionnant, même en cette saison où le niveau de l'eau est relativement bas à comparer à celui du printemps.


Comme le large lit est constitué d'un sol rocheux (essentiellement du granit rose), lorsque le niveau de l'eau n'est pas à son plus haut, on peut profiter de longues promenades sur ces rochers, parfois entrecoupées de petits rapides. Comme la Mistassini, la Mistassibi comporte une succession de chutes à quelques kilomètres les unes des autres, et qui la mène vers sa destination et des parcs ont été aménagés autour de la plupart de ces chutes.


Dès les débuts de la colonisation, les Pères Trappistes se sont installés le long de la Mistassibi et on peut encore aujourd'hui apercevoir quelques vestiges de leur passage en ces lieux. Ici, les ruines d'un moulin à farine qui faisait partie de leurs installations puisant leur énergie dans le puissant courant de la rivière.


Après un premier monastère en bois rond, les Trappistes ont érigé un plus grand monastère - lui aussi en bois - directement sur les berges de la Mistassibi. Après qu'il fut endommagé par une importante crue des eaux, ils se sont réinstallés sur un plateau surplombant la Mistassibi non loin d'où elle se jette dans la Mistassini, et c'est ce 3e monastère, construit en 1911 que l'on voit en partie sur cette photo (à gauche). L'église abbatiale (à droite) a été érigée en 1934-35. Comme les Trappistes se sont une fois de plus relocalisés en 1980, l'ancien monastère abrite aujourd'hui une résidence pour personnes âgées, des bureaux et un CLSC. Pour les amateurs de détails historiques, le béton armé des fondations du monastère de 1911 utilisait le fer des lits de l'ancien Hôtel Beemer de Roberval, qui venait d'être la proie des flames.


La chute la plus impressionnante de ce secteur de la Mistassibi est justement nommé Chute des Pères. Et ce qui étonne également, c'est que tout ceci est situé en plein coeur de la ville de Dolbeau-Mistassini fusionnée en 1997, ville dont on peut voir certains aspects selon les angles de vues (que j'ai volontairement évité sur la plupart des photos montrées ici).


Côté faune locale, à part les poissons, il y a surtout des oiseaux et parfois, un mini papillon comme celui-ci.


Quand elle n'est pas à son niveau le plus élevé, la Mistassibi comporte quelques branches secondaires dont une ou deux étaient presque à sec, le gros du courant passant par la branche principale la plus profonde. Nous en avons donc profité pour marcher dans la rivière, et passer sous le pont qui relie les secteurs Dolbeau et Mistassini de la ville.


J'ai remarqué quelques graffitis amusants (je n'avais pas réalisé que les anarchistes et gauchistes s'étaient rendu jusqu'au Lac St-Jean auparavant!), dont un étonnant "Expo 67" gravé à même le ciment de la promenade en face de la plage et qui semble effectivement dater des années 60.


Les petits rochers m'ont aussi donné l'occasion d'ériger un Inukshuk éphémère le long de la rivière.


En descendant la rivière vers son déversement dans la Mistassini, nous avons découvert une ile déserte... ou presque, à laquelle on peut accéder par un pont suspendu. Nous avons donc effectué le tour de cette ile baptisée sur le champs Isla de la Amistad pour l'occasion, en plus d'en atteindre le sommet (quelques mètres au-dessus du niveau del a mer!). Nous allions apprendre un peu plus tard qu'elle porte le nom beaucoup moins poétique d'ile Talbot.


L'ile en question comporte quelques plages secrètes donnant sur la partie la plus calme de la rivière avant qu'elle n'atteigne son point de confluence avec la Mistassini.
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